Comment combattre la discrimination à l'embauche des femmes enceintes ?

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Marie Delattre

Je suis Marie, créatrice de contenus et influenceuse pour les RH. J'ai créé la première communauté des femmes RH, la Sororité RH et je produis depuis 2019, des contenus écrits, audio et vidéo, à destination des RH. Mon but est d'éveiller les consciences sur la vie des RH, briser les tabous de la fonction, et dynamiser un monde du travail parfois terne avec des contenus dynamiques, inspirants et décalés.

Nous avons toutes et tous un jour entendu, le témoignage d'une femme enceinte discriminée à l'embauche. C'est même devenu étrange pour beaucoup de gens, que celles-ci puissent être en recherche d'emploi pendant leur grossesse. 
Pourtant, on le sait, il est interdit par la loi de poser des questions lors d'un entretien de recrutement sur ce sujet, et une femme enceinte a le droit de garder pour elle, cette information personnelle et confidentielle. 
En pratique, le sujet est donc complexe des deux côtés : pour la candidate, et pour la personne chargée du recrutement. 
 
Comment chaque partie vit-elle cette situation ? Et comment agir concrètement sur ce problème en entreprise ?
 

Candice vient d’apprendre qu’elle est enceinte. Elle fête la nouvelle avec son fiancé. Mais problème : Candice est en recherche d’emploi.

Comment faire ?

Option A : annoncer sa grossesse au moment de l’entretien d’embauche, et s’exposer à une discrimination sur ce critère. Oui, c’est illégal. Et pourtant, cela arrive tous les jours.

Option B : mentir par omission et ne pas en parler. Et devoir tout de même annoncer la grossesse quelques mois plus tard, au risque de s’attirer les foudres de son management et se voir accusée de “trahison”.

Dans tous les cas, Candice sera perdante.

Comme si attendre un enfant était un problème.

Alors que nos collaborateurs sont bien sortis de quelque part.

On commence à avoir bien conscience du problème, et pourtant on voit encore si peu de solutions.

Les jeunes mamans ont-elles comme unique solution de rationaliser leurs grossesses et de garder le bébé uniquement si elles sont en CDI ?

Les femmes souffrent, comme d’autres catégories de la population, de discriminations à l’embauche liées à leur genre :

  • pour l’année 2020, plus de 3% des saisines enregistrées par le Défenseur des droits en matière de discriminations avaient pour motif la grossesse. (source : défenseur des droits)

  • 74% des femmes estiment qu’avoir des enfants nuit à leur carrière (source : sondage LinkedIn France, mai 2022)

  • plus d’1/3 des mères de moins de 45 ans a déjà reporté ou renoncé à un projet de grossesse pour des raisons professionnelles. (source : étude à compétences égales, 2015)

Alors je pose la question. Que fait-on pour cette population qui représente 52% du total, cesse d’être vue comme une minorité que l’on pourrait oublier ?

Quand est ce qu’on arrête de vivre comme si les femmes venaient de débarquer sur le marché du travail et que ces messieurs scandaient “elles nous volent nos emplois” ?

Et comment les entreprises doivent-elles prendre leurs responsabilités aujourd’hui pour donner leur chance aux futures mamans ?


“Alors, vous avez prévu de pondre encore ?” demande-t'il pendant l’entretien.

Sonia s’étouffe avec son café et manque de tout recracher par le nez. Son PDG vient de prononcer cette phrase en entretien, face à une candidate d’une quarantaine d’années, qui a trois enfants.

Elle le regarde avec de grands yeux.

Elle a envie de plonger sous la table.

Elle se dit qu’en tant que recruteuse, elle aurait dû anticiper et empêcher cette sortie de route, cette phrase qui est totalement illégale.

En effet, en vertu de l'article L1132-1 du Code du travail, ce type de question est punissable de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, pour discrimination à l’embauche. Elle le sait parfaitement. Il le sait aussi.

Et pourtant, quand plus tard, elle le rappellera à son supérieur, il lui rétorquera :

“Que pourrait-elle bien faire ? Aller voir la police ?”

Tout le monde le dit, ces questions interdites sont d’un autre âge, et ne concerneraient plus qu’une minorité de dirigeants, les “vieux de la vieille”.

Pourtant, on les entend encore. Et cela ne semble pas vraiment effrayer dans les entreprises, car peu de contentieux sont initiés, en comparaison du nombre de cas qui se produisent dans l’ombre.

D’un côté comme de l’autre, ces petites phrases sont tolérées, et continuent de perdurer.

Les femmes victimes ne parlent pas, et les témoins non plus.

Cependant, tout le monde s’accorde à dire “il faut que ça cesse”.

N’attendons pas que ces pratiques stoppent naturellement. Agissons concrètement. Comment ?


  • Ne rien laisser passer.

Que ce soit en tant que recruteur, témoin, candidate. Oui, selon la situation, c’est dur. On peut avoir peur des conséquences, des remontrances. Mais avez vous vraiment envie de travailler avec une personne qui vous pose de telles questions, ou qui vous demandera un jour de les poser ?

Des exemples de répartie que vous pouvez avoir :

En tant que candidate, répondre à ce type de question par “ je ne souhaite pas répondre à cette question, que vous n’avez pas le droit de me poser. Le fait que vous me posiez cette question m’indique également que les valeurs de votre entreprise ne sont pas en adéquation avec les miennes. Cela ne me pousse pas à vouloir continuer cet entretien, je ne pense ne pas me sentir respectée si j’accepte de travailler avec vous”.

En tant que recruteuse, reprendre la personne qui a posé cette question, que ce soit manager, dirigeant, en expliquant “la question que vous avez posé sur la volonté d’agrandir la famille de Madame, est une question interdite en entretien. Si vous ne souhaitez pas prendre le risque d’être poursuivi en justice, je vous conseille de ne pas songer à aborder ce sujet. Je ne cautionne absolument pas ce type de pratique qui est contraire à mes valeurs”.

  • Au contraire, mettre en valeur les bons exemples :

écrire les offres d’emploi en langage inclusif, valoriser les parcours de femmes au sein de l’entreprise, recruter plus de femmes manageuses, et bien sûr si l’entreprise recrute une femme enceinte, il faut en parler, témoigner et expliquer comment les entreprise peuvent gérer cela en toute sérénité !

Ces exemples seront autant de bons points à mettre en avant pour votre marque employeur, qui à terme, amènera chez vous les meilleurs éléments, femmes, comme hommes. Les hommes aussi font des enfants…

  • Créer une sororité, et pourquoi pas, que les RH en soient les fers de lance :

Le pouvoir de la sororité est très fort. Créer un espace sécurisant, de témoignage, de ressourcement et d’entraide, entre femmes collègues, est une idée qui porte ses fruits et permet à chacune de se sentir soutenue par ses paires. Les RH, au sein d’une profession à 80% féminine, en sont les meilleures ambassadrices. Ce sont elles qui peuvent donner l’impulsion, créer cet esprit de communauté bienveillante, et faire évoluer les mentalités. Engageons nous pour le bien de nos collaboratrices, et faisons en sorte que recruter une femme enceinte devienne un sujet si banal que les générations futures se demanderont pourquoi c’est un problème !

 

Les mentalités évoluent, mais du chemin reste encore à parcourir. Ne restons pas dans la passivité face à ces comportements, et faisons évoluer ensemble les pratiques en recrutement, pour créer un monde plus inclusif, et plus humain, tout simplement.