Du site carrière à l’entretien : comment pitcher efficacement son entreprise

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Léo Bernard

Léo Bernard est un entrepreneur RH qui se concentre sur le recrutement. Il aide les recruteurs, les managers et les fondateurs à améliorer leur recrutement grâce à un bootcamp unique appelé "T-Shaped Recruiter". Il aide également les entreprises en général à relever leurs défis de recrutement.

C’est quand la dernière fois que tu as fait un pitch qui sort de l’ordinaire ? 

Cette phrase c’est ce qu’on appelle un « hook » et tout pitch devrait commencer par ça. Mais alors c’est quoi un pitch ? Je ne parle pas des petites douceurs sucrées de chez Pasquier fourrées à la fraise ou au chocolat. Non non, un pitch c’est un raccourci pour un « elevator pitch » un terme popularisé par les américains et qui a un seul objectif : « Convaincre quelqu’un de quelque chose », ça tombe bien dans un quotidien de recruteur non ? Mais revenons à nos moutons, dans elevator pitch il y a pitch, on y vient mais il y a aussi elevator (Jusque là je vous ai pas perdu c’est bon ?). C’est en Amérique qu’on a eu les premiers gratte-ciels, les tours de Manhattan et donc parfois il pouvait arriver qu’on croise son boss dans l’ascenseur et qu’on ait 1 petite minute (le temps d’arriver au dernier étage avec son bureau gigantesque et sa vue imprenable sur la ville) pour lui parler de ce projet qui nous anime et donc on a besoin de son aide (humaine ou financière). C’est tout simplement ça un elevator pitch. Convaincre quelqu’un en un minimum de temps.

Cette compétence, à l’heure où de plus en plus de métiers sont en tension et à l’heure où les candidats sont de plus en plus exigeants, fait partie des incontournables de la boite à outil des professionnels du recrutement mais aussi des managers ! Et pourtant, on passe souvent à côté. 

En formation, quand je demande aux gens en face de moi de me pitcher l’entreprise on a souvent du : 

  • On a été créé en 1932 et on vend un produit qui blablabla
  • Notre société ABC, c’est 10000 salariés dans le monde, un CA de 3 Milliards blablabla
  • Alors on fait un logiciel Saas qui permet aux experts comptables de blablabla

L’attention est la monnaie la plus importante de notre époque, on se doit d’être irréprochable sur un pitch ! Et c’est normal de rarement penser à le remettre en question car on a 1001 autres choses à faire quand on recrute. On ne peut clairement pas tout faire. 

Et c’est d’autant plus important que ce pitch, il intervient à plusieurs reprises lors d’un process de recrutement. Et c’est pas tout, il intervient à l’oral mais aussi à l’écrit. On va pitcher du site carrière jusqu’à la proposition d’embauche. Raison de plus de s’y intéresser !

On va donc voir les points communs d’un pitch oral et d’un pitch écrit avant de les attaquer chacun leur tour plus en détail.

Oral ou écrit, même combat ?

L’objectif d’un pitch sera toujours le même : Projeter le candidat. On peut avoir tendance à oublier que changer de job n’est pas anodin, ça amène souvent son lot de questions : 

  • Quelle sera l’ambiance de l’équipe / Et du reste de l’entreprise
  • Où vais-je manger le midi / Avec qui ? 
  • Ça sera quoi le sens de mon job dans l’ensemble plus large qu’est l’entreprise ?
  • Quels avantages salariés
  • Est-ce que le rapport Avantages / Inconvénients est en ma faveur
  • Etc.

Un bon pitch doit donc au maximum rassurer en projetant le candidat ou la candidate vers son futur quotidien. On passe plus de temps à travailler qu’à dormir donc il s’agirait de bien choisir. Je vous propose 5 règles d’or pour un pitch qui fonctionne

Un pitch orienté candidat

Je vois trop souvent des pitch orientés entreprise. On parle de nous, nous, nous et encore nous sans se demander une seule fois si notre bazar va plaire au candidat. Et cette erreur, on la commet à la fois sur une annonce (avec des paragraphes extrêmement long en intro) et en entretien (où on va parler de l’entreprise encore et encore pensant que ça va convaincre)

A la place, on va trouver les éléments qui intéressent les candidats, leurs attentes et les insérer en priorité dans notre pitch. Un exemple ici d’une étude de Robert Half sur les attentes candidats :

(Insérer étude) 

Je ne dis pas qu’il faut tout dire dans un pitch par rapport à ces attentes mais qu’il faut prioriser. Une candidate préfère savoir combien elle gagnera plutôt que de savoir quelle est la politique RSE de l’entreprise. Un candidat préfère savoir quel est le style de management de son boss plutôt que de savoir la date précise de création de l’entreprise.

Un pitch transparent

Plutôt que de faire des promesses qu’on ne tiendra pas ou de bullshiter le candidat, on parle vrai, on est transparent. On parle des forces mais aussi des faiblesses de l’entreprise. On parle des opportunités mais aussi des menaces. Oui oui, je vous parle là d'appliquer la matrice SWOT à votre pitch. On dit les choses telles qu’elles sont, pas telles qu’on aimerait qu’elles soient.

Un pitch qui véhicule des émotions

Beaucoup de pitch sont insipides. On pourrait croire qu’ils ont été rédigés par l'URSSAF tant ils  manquent de chaleur et d’émotions. Hors c’est souvent sur ça qu’on va faire la différence. A l’heure ou l’IA fait son entrée fracassante dans le monde du recrutement, c’est le relationnel et l’émotion que ça génère qui donnera envie à un candidat de rejoindre ou non votre entreprise ! Alors on met de l’émotion, beaucoup d’émotion. On pense Vice-Versa et on met nos tripes dans notre pitch. Ça doit se sentir. Ça doit être vivant.

Un pitch avec plus d’exemples que de promesses

On dit qu’on est engagé d’un point de vue environnemental mais sans montrer ce qu’on fait concrètement.

On se dit en faveur de la diversité et de l'inclusion mais dans la pratique on a que des hommes au CODIR.

On propose de la flexibilité dans le mode de travail mais on donne un seul jour de télétravail. 

Les candidats en ont marre des promesses, ils veulent des engagements clairs. 

Plutôt que de dire on est engagés en faveur de X sans aller plus loin, on donne à la place un exemple Y et un exemple Z. On donne du concret, du précis, du mesurable, de l’activable. 

Un pitch adapté à son public

On ne pitche pas de la même manière à un profil technique, à un profil informatique, à un manager. 

On ne pitche pas de la même manière à un jeune diplômé et à une directrice financière.

On ne pitche pas de la même manière en Allemagne, en Suisse ou en Espagne. 

Un bon pitch n’existe pas en tant que tel. Il est une véritable structure de légos, de blocs distincts décomposables et “recomposables” à souhait en fonction de la personne à qui on le destine. 


Un bon pitch écrit

Le pitch écrit intervient à plusieurs moments : Sur le site carrière (s’il existe), sur une annonce, dans un message d’approche et parfois … lors de la promesse d’embauche. 

Et il touche ici à une compétence majeure des recruteuses et recruteurs : le copywriting ou l’art de convaincre avec les mots (Oh encore un truc piqué à d’autres disciplines que le recrutement)

Un bon pitch intervient de différentes manières en fonction du médium sur lequel il se trouve : 

Sur un site carrière : Il doit ici rayonner à son maximum. La page « A propos de l’entreprise » est souvent négligée alors qu’elle est clé. Il faut faire rêver ici car les candidats qui iront jusqu’à cette étape seront les plus à même d’être convaincus. Longueur recommandée : Autant qu’il faut tant que ça reste digeste

Sur une annonce : Ça peut paraître contre productif ici mais je conseille d’en dire juste une phrase au début et de garder le reste pour la fin. Au niveau de l’annonce, le candidat s’en fiche de l’entreprise (Sauf si vous êtes une boite qui fait rêver tout le monde comme Lego ou L’Oréal). Résumez en 1 phrase votre entreprise au début et garder de plus longs paragraphes pour la fin, une fois que le candidat sera rassuré sur ce qui compte le plus : salaire, équipe, missions, conditions de succès, etc. Longueur recommandée : 10 lignes maximum

Dans un message d’approche : Ici le dosage est subtil. Il faut en dire suffisamment pour donner envie au candidat de vous parler mais pas trop pour ne pas le saoûler et qu’il zappe votre message. Longueur recommandée : 3 lignes maximum

Dans une promesse d’embauche : C’est trop peu pratiqué à mon goût alors qu’elle est clé : Envoyer la sauce avec 2/3 paragraphes qui donnent vraiment envie de rejoindre l’entreprise. Ici par contre, ça sera la seule exception où on sera vraiment dans l’inspirationnel. C’est la dernière dose de rêve en espérant le « oui » de la part du candidat. Longueur recommandée : 6 lignes maximum

La longueur d’un pitch n’est pas particulièrement un problème ici. Il peut être long s’il est vraiment travaillé et percutant (Exception faite du message d’approche ou il sera beaucoup plus court). C’est une croyance qu’une annonce doit être la plus succincte possible. Une recruteuse incroyable comme Shirley Almosni a 75% de candidatures pertinentes sur ses annonces alors qu’elles sont très longues (Lien vers Build RH). La taille n’est pas le problème, le contenu du message l’est en revanche. 

Pour rappel, le candidat ne l’est pas encore ici. Avant de postuler, avant de regarder votre site carrière, avant de répondre oui à votre message d’approche, un candidat n’est pas encore candidat, il est simplement un inconnu qui a vu de la lumière et qui est rentré. Pour le convaincre de devenir candidat, on met quoi dedans du coup ?

1/ On commence toujours par de l’émotion : On va capter l’attention de notre candidat avec quelque chose qui va piquer sa curiosité. 

Exemple : quand je formais les équipes de Bureau Veritas : On remplace « On est leaders de la certification et de l’audit » par « On a créé Bureau Veritas il y a 200 ans suite à une tempête » 

2/ On explique la raison d’être de l’entreprise : On passe de quelque chose de descriptif à quelque chose qui projette.

Exemple : quand je formais les équipes de Crédit Agricole Technologies et Services : On remplace «  On est la filière IT du groupe Crédit agricole » par « Sans nous, les 1 millions de clients du Crédit Agricole auraient une application toute pleine de bug et à la merci des hackers » 

3/ On va aussi en profiter pour rassurer le candidat : Surtout dans un marché atone, dans un momentum post « startup nation », avec une IA qui menace de voler les jobs. 

Exemple : quand je formais les équipes de Saint Gobain : Dire quelque chose comme « On était là il y a plus de 300 ans pour construire la galerie des glaces, on est toujours là aujourd'hui, solide comme jamais. »

4/ Ce que ça va changer pour le candidat de vous rejoindre : Clairement il faut trouver les arguments vraiment différenciants par rapport à la concurrence. Allez ici pas d'exemple, faut bien que je vous laisse bosser un peu non. 

5/ Et enfin on va conclure avec de l’émotion : Des blagues, une envolée lyrique ou autre, à vous de jouer !!

Comme je suis sympa je vous ai fait un petit exemple de Avant / Après :

Visuel avec Exemple Avant // Exemple Après : 

Un bon pitch oral

Le pitch oral est la continuité du pitch écrit avec deux différences majeures. La première : le candidat a manifesté son intérêt car si on lui parle c’est qu’il a postulé ou bien qu’il a répondu à notre message d’approche. La seconde : On va être sur un temps en synchrone et plus sur un texte qui sera le même pour tout le monde. Il faudra donc incarner son pitch et le personnaliser. On monte la difficulté d’un cran.

Ce pitch va être plus ou moins différent en fonction de l’étape du process : Préqualification, entretien recruteur ou rh et entretien manager.

En préqualification : L’elevator pitch est approprié ici. Une bonne préqual c’est moins de 15min donc clairement, pas le temps de pitcher un max. On abrège et on va à l’essentiel. 

En entretien RH / équipe de recrutement : Ici on va pouvoir en détail parler de l’entreprise et donner envie au candidat de continuer le process. Un bon pitch  est personnel. Exemple : « Ce que j’aime en tant que salarié chez Teamtailor c’est qu’il y a toujours des nouveautés » ou bien « J’ai rejoint Teamtailor car c’est une vraie culture internationale. Ça me changeait des boîtes franco-françaises »

 

En entretien manager, on va légèrement twister le pitch : On va en faire un pitch d’équipe / un pitch de son style managérial. Si le candidat arrive à cette étape, c’est qu’il est convaincu par l’entreprise, plus besoin de répéter un certain nombre d’éléments. En revanche, on va pitcher le job, pitcher le reste de l’équipe et se pitcher soi-même en tant que manager.

Il y a deux écoles concernant le pitch en entretien, celles et ceux qui préfèrent un pitch avant le reste de l’entretien et celles et ceux qui préfèrent le faire après. Les deux pratiques se valent si elles sont faites efficacement. De mon côté, j’ai toujours préféré pitché après les échanges avec le candidat. Je peux comme ça adapter mon pitch à ce qu’il me raconte. Par exemple, quand je travaillais chez Cleyrop, une entreprise avec une volonté de réduire la dépendance aux GAFAM, avec une politique RH attractive (Bons salaires, télétravail total possible) et avec des technologies modernes j’avais 3 piliers majeurs de pitch. 1/ Le pitch avantages salariés 2/ Le pitch mission d’entreprise et 3/ Le pitch technophile. Je pouvais donc m’adapter à ce que me racontait le candidat sur ses attentes, ce qu’il cherchait, ce qu’il cherchait à éviter, etc. Par ailleurs, j’adaptais aussi le pitch au type de poste et comme je recrutais du marketing à la finance en passant par l'ingénierie logicielle, j’avais une vingtaine de manières différentes de pitcher l’entreprise. 

La longueur du pitch doit être suffisante mais pas trop longue. L’attention d’un candidat varie beaucoup et parfois, 5min sont trop longues et une partie des éléments aura été oubliée. Deux palliatifs à ce problème, le premier que j’ai pu observer chez différentes entreprises : présenter un document en même temps que notre pitch pour avoir des chiffres / des visuels en complément de ce qu’on raconte. Le second, envoyer a posteriori de l’entretien les éléments les plus importants concernant l’entreprise / l’équipe / le département pour appuyer ce qui aura été dit en amont. C’est simple, efficace et scalable.

A l’oral, on met quoi alors dans son pitch ? 

1/ On commence par une structure générique et claire : Le classique fonctionnement en entonnoir fait largement l’affaire ici : 1/ Qui on est 2/ Ce qu’on fait 3/ Pourquoi c’est cool

2/ On y ajoute du vécu : Ça va aller de la raison pour laquelle on a rejoint l’entreprise jusqu’à des exemples de tous les jours qui illustrent ce qu’on raconte

Exemple : « J’ai rejoint Choco car en tant que végétarien, le sujet du gaspillage alimentaire me touche particulièrement et vous ? ».

Exemple 2 : « Notre dirigeante est toujours sur le front en cas de crise. Hier, elle a codé toute la nuit pour aider les développeurs à dépanner un bug majeur. » 

3/ On incarne le pitch : On le dit avec nos mots, notre style et pas les mots génériques envoyés par le service communication en mode copier-coller.

Exemple : « Bon vous avez peut-être dû lire XXX sur notre page carrière. En vrai c’est pas exactement ça. Ma vision de tout ça c’est que XXX » 

4/ On rend le tout interactif : On transforme un long monologue en dialogue avec notre candidat. On relance, on demande à la personne ce qu’elle en pense, on laisse des blancs, etc.